Désolé, mais vous n’aurez pas le détail de mon weekend, je ne suis pas d’humeur. Juste merci Bichette d’être toujours autant présente, merci pour nos fous rires, merci pour ton amitié
irréprochable. Je t’aime !
Déjà avant toute chose, papa, maman, ana et autre, s’il vous plaît ne sautez pas sur vos portables pour me remonter le moral, je ne décrocherai pas de toute manière. Je vous rassure, je serai
encore là demain.
Et puis je m’excuse d’avance parce que je sais que ça va vous faire mal au cœur de lire ça… Maman, t’es pas obligée de lire.
Voilà, aujourd’hui je craque. Ca a commencé ce matin, un mauvais réveil. Pas envie de sourire… Merde, ça va je souris tout le temps, j’ai bien le droit de tirer la tronche ce matin. Et puis si
vous n’êtes pas content, de toute façon c’est pareil, je ne vous demande pas votre avis !
Ça continue avec ces foutus examens. Un IRM mammaire ça peut être rigolo quand on arrive à s’installer seul sur cette foutue table, à plat ventre. Mais quand on est obligé de se faire retourner
par quelqu’un, qui vous attrape sous le ventre et vous fais mal, tout ça les seins à l’air, de suite c’est moins fendant.
Devoir encore expliquer que je ne sais pas où sont mes bras et mes mains, qu’il faut les sangler pour que ça ne bouge pas pendant l’examen.
Devoir encore supporter une perf.
« Je vous donne une poire, si jamais ça ne va pas vous appuyez dessus pour nous appeler »
« Ça ne sert à rien, je ne la sens pas la poire, je ne pourrai pas appuyer dessus » (Gros naze, je viens de te dire que je n’avais pas de sensibilité, si ça ne va pas je suis dans la
merde et puis c’est tout).
« Ca va aller ? »
« Oui » (Ca ne pourrait pas aller mieux, la patate !)
Et pleurer dans ce foutu tube à IRM : Ras le bol des IRM !
Voilà, le ton de la journée est donné…
Voilà, aujourd’hui j’en ai ras le bol, ras le bol de batailler, ras le bol de sourire. Ce soir j’abandonne, ce soir je baisse les bras.
Ce soir je m’isole, j’ai demandé un plateau en chambre, aucune envie de faire bonne mine devant tout le monde.
Je suis fatiguée… Je comprends aujourd’hui ce que veut dire « se battre contre la maladie ». C’est un terme bien abstrait quand on est en bonne santé. Vous autre valides, vous croyez
comprendre ce que ça veut dire, mais vous êtes bien loin du sens profond de cette phrase.
C’est réellement une guerre : Tout les matins la question se pose : Aujourd’hui qui va gagner la bataille ? Moi ou la maladie ? Sourires ou pleurs ?
Vous ne pouvez pas vous rendre compte de l’énergie qu’il faut pour déployer le 1er sourire du matin, de la force qu’il faut pour ne pas flancher chaque jour… Non vous ne vous rendez
pas compte.
Je n’en peux plus d’entendre des « Allez, ça va aller Tyf ». Ça va aller de quoi ? Vous y êtes-vous à ma place pour savoir que ça va aller …
J’en ai marre de savoir que vous ne comprenez pas ce que je vis… J’en ai marre de savoir que vous ne vous rendez pas compte des efforts démesurés que je donne chaque jour. Vous avez cru que
c’était facile ? Vous avez cru que c’était naturel chez moi ? « Tyf elle a toujours été optimiste, c’est son caractère »
Marre d’entendre des « T’inquiètes pas Nino il t’aime, il ne t’oublie pas ». Oui et à lui, vous lui avez demandé comment il supportait de ne plus avoir sa maman ?
Désolé aujourd’hui je suis en colère contre vous, maman, papa, ana, Elo, Geo … Je suis en colère parce que pendant que moi je mène la guerre, vous, vous dormez dans vos lits respectifs, vous
allez au resto, vous buvez l’apéro, vous prévoyez des vacances, vous vous promenez debout. Et quand je sors le weekend, vous m’affichez tout ça.
S’il n’y avait pas Nino, je crois que je préfèrerais rester au centre, avec les handicapés, eux ne me narguent pas avec des jambes qui marchent.
C’est con hein, je suis en colère contre les gens qui m’aiment le plus. Et désolé de vous dire ça ce soir, je sais que je vais vous faire mal. Vous voulez partager mon combat, eh bien
nous y voilà, vous aussi vous êtes dans la merde. Désolé, sincèrement, je sais que vous n’y êtes pour rien, je sais que vous faites tout ce que vous pouvez… Désolé, il fallait que ça sorte … Je
vous aime quoi qu’il en soit.
En colère contre toi aussi JD : « On sait que la rééducation va être longue, il faut compter un an. Et on sait qu’il y a un moment où le patient fatigue et perd espoir quand c’est long,
et le kiné aussi peut perdre espoir » !
Ah ça non JD, ça n’est pas envisageable !!! Y’a pas de « on baisse les bras », interdit de ne plus y croire, sinon on est foutu ! D’ailleurs si tu baisses les bras, je
te botte le cul !
Première fois que je craque pour de bon depuis 1 mois, la dernière fois c’était à l’hôpital. Alors ne vous inquiétez pas, demain ça ira mieux. Et je crois que j’ai besoin de poser les armes ce
soir pour pouvoir continuer à me battre, pour reprendre des forces. Alors oui, aujourd’hui c’est la maladie qui gagne la bataille … Mais honnêtement, on doit en être à 60-11 sur 71 jours de
guerre ! J’ai une large avance !
D’ailleurs, ça va déjà mieux.
Allez, pour me faire pardonner, pour vous papa, maman, ana, Elo, Geo, je vais vous annoncer une bonne nouvelle, pour toi JD en retranscrivant ta phrase (enfin ce dont je me souviens) :
« Aujourd’hui j’ai fait 15 mètres (non 16), en déambulateur, et c’est une première ! Mon kiné m’a dit que c’était bien ! »
Bon, je reconnais j’ai oublié la phrase exacte.
Il faut savoir que JD avait annoncé 10 mètre au docteur Baptiste, que j’ai mieux marché que les fois d’avant, que j’ai bien géré les virages et la marche arrière. Et je crois, tout ça grâce
à la colère …
Alors malgré tout, merci à vous, cette colère m’est nécessaire pour avancer… Ça me redonne un coup de fouet.
Ce soir je baisse les armes, mais demain supertyf est de retour avec son sourire !
PS : Désolé TomTom, je n’ai pas la force d’être présente pour ton dernier soir … Si on ne se voit pas demain, je te souhaite une bonne continuation, t’es un chouette gars, moi je trouve
qu’on aura bien rigolé … Et si ton frère deviens dispo, tu sais où me trouver